vendredi 21 octobre 2011

Urgences

Comment en est-on arrivé là ?

Ci-dessous le mail écrit  par M.C. Perrin-Faivre, professeur de Lettres à Nancy
A lire, pour réfléchir et agir !
“Je le fais pour vous…”
… a dit notre collègue, Lise B. professeur de Béziers, qui, en proie à un désespoir absolu, s’est immolée dans la cour de son lycée.

Qui, “vous” ?

Vous, chers élèves, dont je ne cherche pas à me faire aimer avant toute chose, car je veux rester sourde à la cote d’amour censée mesurer ma valeur au sein de la “communauté éducative”. Vous ne serez jamais, pour moi, “les gamins” dont il est question dans les salles des “profs”, car je ne serai jamais ni votre mère, ni votre copine.
Mais savez-vous encore la différence entre un professeur, une mère et une copine ? Ce n’est pas un père trop souvent absent, irresponsable ou immature lui-même, très souvent votre meilleur copain, qui vous l’apprendra !
Oui, je continuerai à réclamer le silence en début de cours et à vous laisser debout tant qu’il ne sera pas de qualité. Ce n’est pas là volonté militariste de vous humilier, mais condition nécessaire à mon enseignement : délimitation d’un espace, la classe, où l’on doit entendre la parole d’autrui : celle des grands auteurs dont les textes que nous lisons font entendre la voix, respect de la mienne, simple passeuse de savoir, chargée de structurer votre… parole, afin que vous puissiez, à votre tour, vous faire entendre et être pris au sérieux, respect de la voix de vos camarades qui s’exercent à formuler leur pensée.
Mais veut-on encore vous apprendre à penser ?
Oui, je continuerai à faire la chasse aux portables et aux I-Pods en cours pour les mêmes raisons.
Oui, je sanctionnerai, autant que mes forces me le permettront – mais il ne faut préjuger de rien, l’usure gagne – vos retards systématiques, votre désinvolture, vos comportements égocentriques, insolents, agressifs et insultants, car je suis un être humain, nanti d’un système nerveux qui n’est pas à toute épreuve, mais conserve le sens de la dignité, de la mienne comme de la vôtre.
Non, je ne ferai pas de stage pour apprendre à “gérer les conflits” et mon propre stress, comme si des ficelles psycho-techniques pouvaient se substituer à la loi qui doit être appliquée, à l’ordre que l’institution doit avant tout garantir, afin de nous protéger vous et moi contre tout acte de violence verbale ou physique, condition sine qua non pour commencer à pouvoir travailler.
Non, le “prof” n’est pas un outil qu’on doit rendre plus performant pour vous mater, vous manipuler ou vous séduire.
Non, je ne négocierai pas mes notes, malgré les pressions : celles de l’administration qui sait si bien faire porter la responsabilité d’une moyenne de classe trop basse au professeur, toujours trop exigeant et trop sévère ; celle de nos inspecteurs qui nous “invitent à l’indulgence” dans les commissions d’harmonisation du Brevet et du Bac et nous enjoignent de revenir sur les copies aux notes trop basses ; celles de vos parents qui, dans leur grande majorité, s’alarment à la première de vos faiblesses et me font savoir que “l’année dernière, ça marchait pourtant si bien avec M. Machin” (lequel n’hésitait pas, pour avoir la paix, à surnoter de la manière la plus démagogique qui soit) ; et celles que vous-mêmes savez si bien exercer sur les “adultes” d’aujourd’hui, plus prompts à laisser faire, à négocier des contrats, qu’à faire respecter des règles, sans faiblir – sachant qu’ils n’en tireront jamais aucune gratification immédiate – et qui semblent devenus incapables de supporter cette frustration inhérente à leur fonction d’enseignant et maintenant d’éducateur.
Non, je ne me transformerai pas en animatrice de MJC , pour ne pas “vous prendre la tête”, ou parce que apprendre et travailler vous “gave”.

Vous ?

Vous, chers collègues, broyés un peu plus chaque jour par une institution qui ne vous protège plus, en dépit de l’article 11 du code de la Fonction Publique qui est encore censé protéger le fonctionnaire contre les outrages ou délits exercés à son encontre dans l’exercice de ses fonctions.
Vous qui jonglez désespérément avec les impératifs de vos programmes qu’il vous faut boucler impérativement dans l’année, mais que l’on vous enjoint d’adapter à chacun de vos élèves dont les niveaux sont, d’une année sur l’autre, plus disparates au sein d’une même classe (puisque les plus perdus passent dans la classe supérieure “au bénéfice de l’âge” ou malgré l’avis des professeurs).
Vous qui vous efforcez de maintenir encore les apparences, alors que tout le système est fissuré ; vous qui direz au conseil de classe : “ Tout va très bien Madame la Marquise” ou “ Avec moi ça se passe bien”, alors que vous pouvez, sans guère vous tromper, annoncer en début d’année, qui sera reçu ou non au Brevet, car les jeux sont faits en septembre et que, pour l’essentiel, vos cours sont devenus très souvent une garderie culturelle où vous tentez de maintenir laborieusement une relative paix sociale, en limitant vos exigences, en surnotant, en renonçant un peu plus chaque jour à transmettre ce que vous avez reçu, car “l’enfant, au centre du système, doit construire lui-même son savoir”, choisir ses matières, ses options, pour un projet devenu essentiellement professionnel.
Les valeurs humanistes qui vous ont structurés sont chaque jour un peu plus bafouées au sommet de l’Etat. Il s’agit maintenant d’évaluer des compétences à travers des grilles d’évaluation fabriquées par et pour l’entreprise, au niveau européen, compétences dites souvent transversales qui n’ont plus rien à voir avec l’acquisition de savoirs exigeants dans des disciplines bien précises. Le livret de compétences doit garantir “l’employabilité future” de ceux qui sortiront du système sans diplôme national reconnu et sans qualifications.
Vous, les professeurs d’Humanités (latin et grec) dont il est de bon ton de ridiculiser vos enseignements, que l’on s’est employé à reléguer très tôt ou très tard dans la journée du collégien ou du lycéen, de manière à faire chuter inexorablement les effectifs ; vous qui transmettez les fondements de notre culture et qu’on met en concurrence en 3ème avec l’option DP3, découverte de l’entreprise…
Vous qui enseignez une option que nos élèves consommateurs peuvent essayer au gré de leur fantaisie et abandonner sur une simple lettre de parents qui obtiendra l’arrêt souhaité, pour peu que les notes de latin du chérubin ne lui fassent baisser sa moyenne.
Vous qui vous sentez responsables, voire coupables, du désintérêt que ces matières suscitent, vous à qui vos inspecteurs-formateurs suggèrent de rendre vos cours plus attractifs (sorties, jeux, Olympiades…) tout en vous sommant de vous conformer aux Instructions Officielles qui ne transigent pas avec les connaissances grammaticales
à acquérir.
Vous dont les classes ne doivent jamais s’ennuyer !
Vous qui êtes, même aux yeux de vos collègues, le prof ringard qui persiste à enseigner des savoirs désuets et inutiles et qui ne devrait pas se plaindre… vu ses effectifs réduits.
Vous qui vieillissez, vous qui vous fatiguez plus vite, vous qui êtes maintenant une loque en fin de journée, lasse du bruit et des tensions incessantes, à qui le système demande désormais de rendre compte chaque jour, sur un cahier de textes numérique, de ce que vous avez fait en classe, heure par heure ; vous que Big Brother place ainsi sous le contrôle permanent de vos supérieurs et des parents d’élèves ; vous qui pourrez dorénavant recevoir chaque soir, chez vous, des mails d’élèves, ou de leurs parents, jugeant normal de vous interpeller par écrit et attendant bien sûr de vous la réponse rapide qui leur est due.
Vous qu’on flique honteusement comme on ne le fait pour aucune profession.
Vous à qui la société entière peut ainsi demander des comptes à tout moment ; vous qu’on livre à toutes les pressions aisément imaginables et qu’on place dans la situation de devoir vous justifier, de vous défendre sans cesse, car vous êtes devenu le fonctionnaire, bouc-émissaire par excellence, livré régulièrement en pâture à l’opinion publique.
Vous qui ne comprenez pas l’engouement aveugle, incompréhensible de vos jeunes collègues pour l’informatique, le numérique, censés séduire “nos nouveaux publics” et stimuler leur envie d’apprendre, alors qu’ils se lassent du gadget pédagogique comme ils se lassent si vite de tout dans un monde consumériste où le seul principe qui vaille est le “tout, tout de suite”, dans un tourbillon de désirs sans cesse renouvelés et toujours insatisfaits.
Vous qui en perdez le sommeil ; vous qui ne pouvez travailler avec ce couteau sous la gorge, vous qui tentez de reconstruire chaque soir une image acceptable de vous-même au travail avant de vous en remettre au somnifère ou à l’anxiolytique qui vous permettra, enfin, de dormir, car vous ne pouvez imaginer tenir vos classes demain sans ces heures de sommeil.
Vous qui travaillez en apnée entre ces périodes de vacances que tous vous envient et vous reprochent, ultimes bouées qui vous permettent de vous reconstituer avant de découvrir, à chaque rentrée, que la situation se détériore irrémédiablement et que vous êtes, vous, professeur, jeune ou vieux, en première ligne chaque jour, de moins en moins sûr de tenir, si une volonté politique ne rappelle pas, très vite à chacun (parent, élève, professeur) la place qui devrait être la sienne dans une institution laïque et républicaine, si elle ne vous rend pas de toute urgence votre dignité, votre autorité, et des conditions de travail et de salaire décentes.

Vous, parents, élèves, professeurs, qui espérez qu’on tirera une leçon du sacrifice de notre collègue…
Quelle leçon ? Telle est la question !

M.C. Perrin-Faivre, professeur de Lettres à Nancy




MORT d'un autre PROF
DECLARATION LIMINAIRE du SNES-FSU au CHSCTA du jeudi 12 septembre 2013
A la veille de la prérentrée, Pierre Jacque ne s’est pas seulement donné la mort. Il s’est donné la parole. Il l’a prise, et par son geste il exige qu’on l’écoute. Pourquoi a-t-il fallu que ce professeur, que cet homme aimé et estimé de tous pense que son geste était le seul moyen pour cela ? A quelle surdité s’était-il heurté, qui lui a coûté la vie ?
Notre intention est bien de faire porter ce CHSCT sur les missions qui sont les siennes : les dispositifs, les interventions, les préconisations en direction des enseignants du lycée Artaud, des professeurs d’électronique, de génie civil, de génie mécanique, de physique appliquée...comme ils se nomment encore quand ils parlent d’eux. Et peut-être aussi de tous ces professeurs qui subissent ou subiront une réforme qui transforme radicalement leur métier, comme les professeurs de Langues vivantes auxquels l’Institution a fait une vie impossible l’an dernier. Mais d’abord au nom des personnels que nous représentons ici, au nom des professeurs de la voie technologique, au nom du syndicat majoritaire de la profession, je voudrais dire ici que l’institution savait et qu’elle s’est montrée sourde. Sourde au professionnalisme, à la colère, à l’écœurement, sourde à la souffrance engendrée par l’impossibilité de faire un travail que l’on veut bien faire, que l’on veut faire bien.
Je voudrais dire que les corps d’Inspection savaient et qu’ils se sont montrés sourds. Que l’administration savait, et qu’elle s’est montrée sourde. Par la voie de leurs représentants dans plusieurs audiences auprès des corps d’Inspection, dans les Comités Techniques et les Commissions Administratives ; par des courriers directement adressés au Recteur et aux Inspecteurs par les équipes, sur les locaux, les équipements, le changement de discipline, les besoins en formation, la réforme STI2D ; par la presse même, et l’on sait que l’administration y est attentive, les collègues de STI ont dit leur rejet de cette réforme, leur impossibilité de faire leur travail et leur inquiétude sur le devenir de la voie technologique et des élèves. Mourir de ne pas pouvoir enseigner, écrit Médiapart aujourd’hui. Trois ans après un bel article de Louise Fessard venue visiter le lycée du Rempart et le lycée Diderot à la rentrée 2010, et assister à une réunion de professeurs de STI. Lisez-le, tout y était déjà dit, publiquement. (Cf. PJ 1)
Je voudrais aussi que l’on s’accorde bien sur ce dont il est question aujourd’hui. Personne ne peut prétendre énoncer les causes réelles d’un suicide. Mais dans le cas de Pierre Jacque, ce que nous avons, ce à quoi nous devons toute notre attention, c’est sa parole et c’est elle qui donne à son geste le sens qu’il a voulu lui donner. C’est cette lettre, qui est un réquisitoire contre l’institution. Un suicide, ce n’est rien d’autre qu’un homme vaincu par la réalité. Et cette réalité, celle de Pierre Jacque et des professeurs de STI depuis trois ans, elle était connue, vous la connaissiez et vous en connaissez les causes. L’institution a exercé sur ses agents une série de violences que vous me permettrez de rappeler rapidement. D’abord la destruction progressive de leur identité professionnelle. Dans tout travail on investit une part de ses convictions, de ses valeurs. Les professeurs de STI, souvent issus de l’industrie sont viscéralement attachés à la manipulation, à la production, aux liens avec le monde du travail. Ils ont élaboré une pédagogie inductive qui a fait réussir des milliers de jeunes. Ils portent viscéralement en eux l’ambition de la démocratisation de l’accès aux qualifications. Les machines mises au rebut, c’était toute leur pédagogie, tout leur savoir-faire au rebut. La conférence de presse de Luc Chatel à Louis le Grand, temple de l’élitisme, pour le lancement de la réforme a été une première gifle.
L’identité professionnelle des enseignants, c’est aussi leur maîtrise disciplinaire qui fonde la légitimité de leur présence auprès des élèves. Pas une réunion, pas une conversation, pas un courrier dans laquelle les professeurs ne l’exprimaient : l’enseignement transversal institué par la réforme et destiné à rendre les professeurs interchangeables a été vécu comme une humiliation. Il faut 4 ou 5 ans pour former un professeur de Génie Civil, d’Electronique, de Génie mécanique. Il faut passer un concours extrêmement exigeant qui certifie un niveau académique. Mais quand la réforme s’est mise en place, on leur a demandé d’évaluer eux-mêmes, en toute subjectivité leurs compétences dans telle ou telle discipline qui n’était pas la leur. Le fameux Vademecum (Cf. PJ 2) qu’ils ont découvert en 2010 était une vraie mascarade. Il suffisait donc de quelques jours de formation pour devenir professeur de STI2D et enseigner une discipline à laquelle on ne connaissait rien !
L’Inspection a masqué son incurie derrière un discours de confiance et de flatterie. Contrairement aux enseignants qui demandaient une vraie formation, elle avait renoncé à défendre les disciplines et les savoirs ! (Cf. PJ 3 à 5) Le triste épisode du changement de discipline en septembre 2012 l’a confirmé. Rien n’obligeait à appliquer cette procédure et encore moins à lui donner cet aspect hypocrite d’un choix personnel, que personne ne voulait faire. Les enseignants ont refusé, écrit aux Inspecteurs, nous avons montré que c’était une nouvelle violence inutile. (Cf PJ 5) Rien, n’y a fait. Une machine folle que plus aucun esprit critique n’arrêtait. On a infligé le changement de discipline aux professeurs de STI comme ça, pour rien, mais avec quelle volonté !
Ensuite l’installation d’une situation de travail impossible.
Toute la psychologie du travail reconnait la notion de « travail empêché » et ses effets néfastes sur la santé psychique et physique des travailleurs. Ce sont ces situations de travail dans lesquelles les injonctions contradictoires et les conditions dégradées placent le travailleur dans l’impossibilité de mener à bien sa tâche et de se reconnaître dans ce qu’il fait. France Télécom, La Poste, l’Education Nationale… Les entretiens menés dans l’académie et ailleurs avec des professeurs de STI en portent la trace permanente. (Cf PJ 6 et 6Bis)
Il a fallu préparer les élèves au bac sans connaître les sujets. Leur transmettre des connaissances qui n’en sont pas. Etudier des systèmes qui n’étaient pas encore arrivés. Accueillir 16 élèves dans des salles prévues pour 15. Faire cours dans des laboratoires qui n’existaient pas. Faire croire aux élèves qu’on leur prépare un avenir en sachant que la réforme ne répond en rien aux attentes du monde du travail. Exercer sa liberté pédagogique, être un enseignant exigeant et consciencieux et subir en permanence les pressions de la hiérarchie, chefs de travaux, chefs d’établissement, Inspecteurs qui savent bien que cette réforme prend l’eau de toute part. (Cf. PJ7)
Là encore on a pu constater le zèle des différents acteurs à mettre en œuvre la réforme : les IPR, certains chefs d’établissements, certains chefs des travaux. Car enfin il faut caractériser le rôle joué par la hiérarchie.
La réforme STI2D a été l’outil redoutable du management le plus brutal.
Ces dernières années les relations entre la profession et sa hiérarchie ont changé de nature. La réforme STI2D en est le cas le plus emblématique, mais il n’est pas isolé, et je pense encore aux enseignants de Langues vivantes par exemple. Ces rapports étaient autrefois fondés sur l’idée d’une évaluation des enseignants par leurs pairs, les Inspecteurs, sur la base de l’excellence professionnelle et académique de ces derniers. Désormais l’Inspection Générale et les Inspecteurs Régionaux se sont mués en véritable VRP des réformes, défendant avec zèle et ardeur des réformes auxquelles nul ne peut penser sérieusement qu’ils croient. L’évolution de leur propre statut et de leur évaluation, a-t-elle à voir avec cette perte d’esprit critique et cette docilité à endosser des discours idéologiques tournant ostensiblement le dos à l’analyse, à l’observation, à l’expérience ? Affirmant que les moyens ont été donnés, que la formation est substantielle. Alternant flatteries (« mais oui vous avez les compétences…) et reproches, comme au lycée Artaud en mai 2012, quand vous avez reproché devant les parents et les élèves élus au CA aux collègues leur retard dans le programme alors que les locaux n’étaient pas prêts à la rentrée ou leur manque d’investissement alors qu’ils avaient dans leurs rangs des formateurs, et Pierre Jacque. (Cf. PJ 5)
Par contre l’an dernier les professeurs de STI de l’académie n’ont cessé de le dire : où sont passés les Inspecteurs que l’on avait tant vu promouvoir la réforme ? Les collègues se sont sentis bien seuls face aux difficultés et à l’approche du baccalauréat. Et il faut bien le dire, ils ne vous ont pas trouvés courageux.
Présents cependant vous l’avez été, pour quelques inspections, souvent vécues comme punitives, au cours desquelles des enseignants, qui avaient fait état de leurs difficultés se sont vu reprocher de ne pas avoir accompli l’impossible. Et sanctionnés pour cela dans leur carrière. N’aurait-il pas été possible de suspendre par exemple la notation pédagogique, de procéder à un avancement moyen, de laisser le temps d’adaptation nécessaire, d’apporter l’aide demandée ? Les chefs d’établissement, certains chefs de travaux aussi ont été zélés. Suppressions de poste aidant, la réforme a permis de mettre les collègues en concurrence, pour des heures, des classes, un poste. Pour rester dans son établissement parfois, alors que les possibilités de repli de carte scolaire ne peuvent se faire qu’à plusieurs dizaines de kilomètre de là...
Les collègues connaissent les pratiques mesquines et honteuses de typage des rares postes vacants en postes spécifiques, sur des bases professionnelles ténues, pour évincer un collègue fragile, briser une équipe récalcitrante, ou à l’inverse offrir une affectation à un collègue ayant les faveurs de l’Inspection ou de la direction. Quelle aubaine, pour se débarrasser d’un collègue fragilisé, pour contraindre les collègues à courber l’échine et faire semblant d’appliquer la réforme, semblant d’enseigner, imposer des heures supplémentaires. Quelle pression sur nos collègues qui voulaient juste continuer à faire leur métier. La réforme s’appliquait, chacun pouvait prétendre que cela fonctionnait.
A quel prix ?
Ce management est la conséquence d’un système rendu fou par ses méthodes d’évaluation. Les indicateurs sont devenus une fin en soi et non les outils d’évaluation du système. Les apparences chiffrées sur des graphiques tiennent lieu de réalité. Et les résultats du premier baccalauréat prouveront que la réforme était bonne puisqu’ils seront bien meilleurs que les années précédentes. Quitte à mentir aux élèves, aux parents, aux employeurs. Quitte à tricher et à remonter les notes des élèves, en cachette, au mépris de la souveraineté du jury. Cette dernière gifle, ce dernier signe que l’on avait ôté tout sens à son métier, avec zèle et détermination, ont eu raison de Pierre Jacque.
Qui osera dire qu’il n’y a pas là de quoi briser un homme ?
Je ne sais pas si cette déclaration liminaire est à la hauteur des enjeux, je ne sais pas si nos collègues d’électronique, d’électrotechnique, de génie thermique, de physique appliquée, comme ils aiment encore à se nommer entre eux, jugeront que c’est ce qu’il fallait dire. Mais je sais qu’au moment où nous commençons nos travaux, ils sont là, derrière leurs représentants, debout et attentifs, déterminés, comme ils l’étaient, plusieurs centaines, la semaine dernière aux obsèques de Pierre Jacque. Rappelez-vous que nos collègues, que les professeurs de STI nous regardent et nous écoutent. Ils vous regardent et vous écoutent. Debout, attentifs, déterminés… Et ce regard, nous allons le rencontrer souvent, vous allez le rencontrer souvent dans les semaines et les mois à venir.
Le CHSCT n’est pas tout puissant, il ne peut en particulier se substituer à la parole politique qui doit dire ce qu’elle entend faire de ces réformes.Mais il a des possibilités d’agir. Nous avons l’intention de les porter le plus loin possible.
Pour le SNES-FSU, Caroline Chevé.
A lire également : les propositions du SNES et de la FSU sur la question énoncées en cours de CHSCTA : lire ici


Les représentants des personnels au CHSCTA émanant du SNES-FSU sont : Séverine Vernet, secrétaire, Stéphane Rio, caroline Chevé, Aurelia Dessalles, Bernard Ougourlou-Oglou